Article précédemment publié sur le Petit Musée des Marques.
Lorsque le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle cherche à outrepasser le champ de la protection octroyé par son titre.
Lorsque le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle cherche à outrepasser le champ de la protection octroyé par son titre.
Bien souvent, les titres de propriété intellectuelle permettent de protéger un signe (ou une invention) dont la conception, la protection et/ou la promotion ont nécessité d'importants investissements, de temps et d'argent. Une fois la protection accordée par un titre, son propriétaire entend donc le protéger bec et ongles contres d'éventuels concurrents ou contrefacteurs.
Mais certains titulaires tentent d'outrepasser le champ de la protection que leur octroie le droit en intimidant ceux qu'ils considèrent comme une menace pour la sauvegarde de leurs intérêts.
Si le droit des brevets est aujourd'hui confronté au phénomène des Patent Trolls, le droit des marques est quant à lui entâché du comportement de ceux que l'on nomme les Trademark Bullies.
Là où le Patent Troll fait un usage certes agressif mais par ailleurs légal du monopole d'exploitation conféré par son titre, le trademark bully cherche par tout moyen à faire cesser immédiatement un agissement qu'il considère comme portant atteinte à sa Marque, même si cet agissement n'est pas contrefaisant au regard de la loi.
Par l'envoi de mises en demeure, au ton souvent menaçant, le trademark bully utilise l'intimidation pour dépasser le cadre légal de la protection. La pratique a d'ailleurs fait l'objet d'une étude du USPTO menée auprès de titulaires de Marques, d'avocats et de professionnels.
Récemment, la réaction offensive et offensée de Louis Vuitton à l'égard de l'affiche du symposium organisé par la faculté de droit de l'Université de Pennsylvanie (voir ci-contre) a largement été commentée outre atlantique.
S'il est parfois difficile de discerner la frontière entre plainte légitime et intimidation, celle-ci semble largement franchie dans le cas qui oppose la société Summit Entertainment à l'artiste Kelly Howlett.
Cette dernière propose à la vente plusieurs de ses œuvres sur le site zazzle.com, et notamment ce portrait :
Jusqu'à ce jour où le site l'informe que cette réalisation a été retirée sur demande d'un titulaire de droits de propriété intellectuelle invoquant des faits de contrefaçon.
Renseignements pris auprès du site, l'auteur de l'œuvre apprend que la demande de retrait émane en fait de la société Summit Entertainment, détentrice des droits sur la saga cinématographique TWILIGHT.
Vous cherchez le rapport entre l'œuvre de Kelly Howlett et la saga TWILIGHT ?
Le seul point commun trouvé par l'artiste est la date de création de son dessin : le 20 novembre 2009 (11.20.09), qui est également la date de sortie du volet NEW MOON de la saga TWILIGHT, et qu'elle avait mentionné dans la description de l'œuvre en vente.
L'auteur souligne que cette demande est selon elle probablement basée sur une recherche automatisée de termes relatifs à la saga et auxquels Summit Entertainment réagit sans vérification préalable.
C'est d'autant plus probable que, après une brève recherche sur les bases de l'USPTO et de l'OMPI, aucune marque ne semble enregistrée en relation avec cette date par Summit Entertainment. Même si cela avait été le cas, et en dehors de toute considération liée à la validité d'un tel enregistrement, il aurait été fort peu probable qu'un risque de confusion et une atteinte soient avérés et permettent la suppression de l'œuvre, qui a depuis été remise en ligne.
Cet exemple récent souligne bien à quel point les mécanismes de protection des droits de propriété intellectuelle sur internet génèrent parfois une forme de paranoïa chez les hébergeurs de contenu : désireux de ne pas voir leur responsabilité engagée s'ils ne réagissent pas assez promptement à une notification de retrait de contenu illicite, ils sont parfois prêts, comme en l'espèce, à procéder au retrait sans autre forme de procès.
Les titulaires de Marques sont quant à eux pris entre deux feux, soucieux de protéger leurs intérêts et faire valoir leurs droits, tout en respectant les limites que la législation et la jurisprudence leur imposent.
Mais les instruments juridiques ne sont pas les seuls outils dont ils disposent pour défendre leurs titres, et certains devraient y réfléchir à deux fois avant de se muer en tyrans, au risque de voir leur image de Marque sérieusement dégradée par le buzz négatif (voir l'effet Streisand) qu'engendre inévitablement ce type de comportement considéré comme abusif.
:)
MGC
Pour aller plus loin :
- l'excellent DuetsBlog a consacré plusieurs articles au phénomène des trademark bullies (en anglais)
- voir l'interview et l'étude de Cédric Manara (professeur à l'EDHEC Business School et membre du LegalEDHEC Research Center ) et Christophe Roquilly (professeur et directeur du LegalEDHEC Research Center) sur le "Le risque d’érosion du capital-marque sur les médias sociaux : efficacité et limites des instruments juridiques" publiée dans la revue Recherche et Applications en Marketing (2011, volume 26, n° 3, pages 93 à 116).
- commentaires de Michael Atkins et Daniel Corbett sur les résultats de l'étude du USPTO consacrée aux trademark bullies.
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